Lorsqu’il réalise
Les Frissons de l’angoisse (
Profondo rosso), Dario Argento n’en est plus à son coup d’essai : il a déjà livré ce que l’on surnomme sa « trilogie animale » avec
L’Oiseau au plumage de cristal (1970) (voir ici),
Le Chat à neuf queues (voir ici) et
Quatre mouches de velours gris (1971) et a travaillé sur une série télé – toujours dans le genre qui nous occupe ici. Il souhaite s’écarter du style de ses précédents films et développe ainsi un style encore plus personnel : rationalité moins présente, narration elliptique, travail sur les couleurs saturées et une certaine poésie morbide des meurtres … De plus, c’est le film qui marque la rencontre décisive entre Argento et le groupe musical des Goblin.
Les Frissons de l’angoisse fait de la sorte le pont entre ses premiers gialli et son cycle fantastique à venir, qui débutera avec
Suspiria (1977). L’histoire est celle d’un pianiste témoin du meurtre d’une médium qui va décider de mener son enquête. Le casting comprend notamment David Hemmings dans le rôle du musicien, Daria Nicolodi, qui deviendra la compagne d’Argento et Gabriele Lavia, qu’on retrouvera dans
Inferno (1980) et
Le Sang des innocents (
Non ho sonno, 2001).
Dès les premières secondes du générique d'intro, nous sommes subjugués par la musique des Goblin, dont l'air marquera durablement les esprits, résonnant dans nos têtes longtemps après la fin du film. Le générique est entrecoupé par une première scène de meurtre, bercée par une musique différente, une comptine d'enfant, que l'on réentendra lors des meurtres ultérieures. Cette scène initiale est la scène-clé du film, à côté de celle du premier assassinat dont est témoin Marcus Daly. Dans cette dernière, le protagoniste sait qu'il a vu quelque chose d'absolument capital, mais n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Ce n'est pas la première fois que Dario Argento utilise ce procédé, souvenez-vous de
L'Oiseau au plumage de cristal...
Argento compose de superbes plans, avec de magnifiques décors (la villa, la place devant l'immeuble appartement de Marcus Daly, ...). Le sang très rouge qui s'écoule du corps des victimes fait directement échos au titre original (
Profondo rosso, donc). Les meurtres sont bien sadiques ; voir par exemple l'acharnement du tueur à cogner la tête d'une de ses victimes contre plusieurs coins de table. Le réalisateur d'
Inferno prend son temps pour dérouler son intrigue ; le film est assez long, plus de deux heures dans sa version intégrale. Finalement, l'enquête en elle-même et l'esthétique du film se révèleront être plus importants que l'identité même du tueur.
On pourra reprocher le jeu de certains acteurs. Pas celui de David Hemmings, mais par exemple celui de Macha Méril, fort théâtral. Les touches d'humour que s'autorise Argento pourront surprendre (quoiqu'il y en avait déjà dans son premier film), sans que ce soit forcément un mal en soi. En tout cas, nous avons là l'un des grands films du Maestro. Un film d'une époque révolue ...